Ma promenade dans le parc de Ditan, en ce matin de mars, m'a procuré de belles émotions.
Il y a d'abord les grandes allées, bien rectilignes, bordées de grands arbres, de sous bois, de bancs. S'y promènent une femme chantant un air classique d'une voix claire et belle, deux hommes qui méditent l'un près de l'autre, immobiles, les yeux fermés, un vieil homme qui s'étire la jambe sur le tronc d'un arbre, deux Chinoises qui papotent dans le bois, et puis, un grand espace pavé de dalles grises où danse un couple âgé accompagné d'une musique surannée s'échappant d'un petit appareil posé par terre. Il danse une sorte de tango très lent . Ils sont seuls. Ce pourrait-être une séquence d'un film de Marguerite Duras. Je les contemple, émue,
je leur souris, ils me sourient, je les photographie, ils rient.
Plus loin dans un autre espace pavé, deux hommes, un gros pinceau à la main qu'ils trempent dans un pot d'eau, calligraphie, à l'eau donc, sur le pavement gris. Chacun commente le travail de l'autre, il me semble qu'il y a un maître et un élève; Quand l'eau sèche, la calligraphie a disparu..
Ailleurs un maître de Tai Chi fait une démonstration de son art. Un autre avec un sabre exécute des mouvements d'une grande beauté.
Puis je suis attirée par des voix et des chants. Je longe un terrain où a lieu une compétition de ...croquet! Il faut dire que les retraités de Pékin s'en donnent à coeur joie dans tous les parcs de la capitale; et les parcs sont nombreux, les retraités aussi..Ils jouent donc au croquet comme chez nous ils jouent aux boules.
Plus loin, musiciens et chef d'orchestre font chanter un groupe de femmes et d'hommes , partitions en main mises à disposition des passants. Ils entonnent manifestement des chants révolutionnaires et l'enthousiasme est très fort. Ils ont connu c'est sûr, la révolution culturelle et la ferveur est toujours là. On frappe des mains ,on tapent des pieds, on est prêt à repartir pour des lendemains qui chantent!. Assise sur un muret, je les écoute; eh bien voilà, c'est beau!!
Le soir en rentrant à l'appartement, je verrai un groupe de femmes âgées dansant une chorégraphie ressemblant étrangement aux ballets révolutionnaires: même envol, même joie. Non Mao n'est pas mort!.
Mes émotions éprouvées dans ce parc ne m'ont pas empêchée de remarquer , derrière moi la présence continue d'un de ces hommes en civil, qui ne ressemble pas à l'homme de la rue tant il a les mains vides, un regard différent. Lui ne chante pas, ne méditent pas, ne pince pas les cordes de ce drôle d'instrument au son étrange, il est là prôche, il ecoute, il regarde. Je sens son regard, il m'observe. Quand je m'approche de deux femmes avec une petite fille que je veux photographier, il est là, il écoute ce que je baragouine en chinois . Onn' est plus chez Duras mais chez Le Carré. Je repars,en riant intèrieurement m'imaginant espionne déjouant sa surveillance et passant mon message à quelque petit vieux chinois croisé dans une allée déserte.
Ce n'est pas la première fois que je les repaire, ces hommes de l'ombre. Dès le premier jour je les ai reconnus.
Mais heureusement, ils n'ont jamais vraiment empêché la poésie de l'âme de s'exprimer; en voici un exemple:écrit par une comcubine de l'empereur Xuanzong, assassinée à 38 ans par des rebelles..
A une jeune femme
Tes longues manches de soie soulèvent
des vagues de parfum, infiniment
Les fleurs de lotus dansent dans
la brume d'automne, gracieusement
Au gré du vent, sur le sommet de
la colline, les nuages flottent, légèrement
Les jeunes saules pleureurs caressent
l'eau de l'étang, amoureusement.
YANG YUHUAN
(Vous aurez compris que j'adore la poésie chinoise que j'ai découverte il y a quelques années. )
Zai tian